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Trois étapes pour protéger l'intégrité des médias en ligne

24 janvier 2023
Trois étapes pour protéger l'intégrité des médias en ligne

En décembre 2022, les journalistes de plusieurs agences de presse ont vu leurs comptes Twitter suspendus de manière arbitraire, ce qui a causé un véritable tollé. Leurs comptes ont finalement été rétablis, mais cet incident a une nouvelle fois mis en lumière les défis immenses auxquels les média sont confrontés chaque jour dans le monde en ligne. 

Les plateformes des géants de la tech (Google, Instagram, l'App store, p. ex.) ont en effet tendance à se comporter comme des « contrôleurs d'accès » et à s'interposer entre les médias de service public et leurs utilisateurs et utilisatrices. En d'autres termes, ce sont aujourd'hui les réseaux sociaux, les moteurs de recherche et autres magasins d'applications qui décident quels contenus peuvent être visionnés, par qui et à quel moment, de surcroît selon des modalités qu'ils ont eux-mêmes définies. Publiée l'an dernier, la nouvelle législation sur les services numériques (DSA, Digital Services Act) a vocation à rééquilibrer la situation en fixant un certain nombre de critères fondamentaux, sans toutefois réussir à protéger efficacement les médias dans l'environnement en ligne.

Les plateformes des géants de la tech, lesquels sont tous des sociétés à but lucratif, continuent en effet d'avoir toute latitude pour imposer leurs conditions aux contenus médiatiques. Ainsi donc, ceux-ci peuvent se voir rétrogradés et retirés de manière arbitraire, bien qu'étant parfaitement licites et conformes aux normes des médias européens. Or cette ingérence dans les services et contenus de médias s'inscrit en totale contradiction avec les règles applicables aux médias en Europe. À une époque où nous sommes toutes et tous confrontés à la désinformation et aux fausses nouvelles, nous voilà de surcroît privé.e.s d'informations fiables par les plateformes.

La législation européenne sur la liberté des médias (EMFA, European Media Freedom Act) nous offre la possibilité de corriger les déséquilibres importants qui compliquent les relations entre médias et grandes plateformes. L'EMFA a en effet vocation à compléter le cadre fourni par la législation DSA et à fixer des règles bien précises, qui devraient permettre de préserver l'intégrité des médias dans le monde en ligne. Mais comment y parvenir ?

  1. Obliger les plateformes à prévoir un mécanisme de préavis

Avec l'EMFA, le pouvoir législatif européen est en mesure d'obliger les plateformes à instaurer des procédures simples et précises pour informer en amont les organismes de médias, dont les MSP, que lesdites plateformes comptent modifier leurs contenus et services. Une discussion s'imposera avant que les contenus en question ne puissent être suspendus ou restreints - dans la mesure où ils répondent déjà aux normes européennes.

  1. Remettre en ligne, sans délai, les contenus retirés ou rétrogradés

Les rédacteurs, rédactrices et journalistes doivent pouvoir se concentrer sur la création de contenus destinés notamment à informer le public, sans avoir à se préoccuper des contenus, apps ou services supprimés de manière arbitraire par les plateformes. Leurs plaintes doivent être traitées dans les meilleurs délais, compte tenu de la nature souvent sensible des contenus et services de médias. À l'évidence, les processus permettant de « republier » les contenus doivent être faciles à mettre en œuvre, afin que les rédacteurs, rédactrices et journalistes n'aient pas à enclencher un mécanisme de dépôt de plainte fastidieux ou difficilement compréhensible.

  1. Instaurer un dialogue entre les parties

Les agissements des plateformes ayant des répercussions importantes sur le pluralisme des médias, l'EMFA devrait les obliger à engager un dialogue ouvert et transparent avec les organismes de médias et les journalistes. L'objectif, ce faisant, serait de rechercher des solutions qui conviennent à toutes les parties.

En d'autres termes l'UE a la possibilité, avec l'EMFA, de protéger l'intégrité des médias en ligne. Les trois étapes décrites ci-dessus devraient permettre de s'assurer que ce ne sont désormais plus les plateformes qui imposeront leur vérité de manière arbitraire, dans l'environnement en ligne. L'Europe est enfin en mesure de faire respecter ses normes concernant les médias : le moment est venu d'agir !

Liens et documents pertinents

Ecrit par


Wouter Gekiere

Responsable de la politique règlementaire européenne

gekiere@ebu.ch