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Pour assurer l’avenir, nous devons associer radiodiffusion et haut débit

09 mars 2023
Pour assurer l’avenir, nous devons associer radiodiffusion et haut débit

À l’heure actuelle, il n’est pas rare d’entendre des voix prôner l’accélération vers un monde sans radiodiffusion. Beaucoup pensent en effet, pour des raisons diverses et variées, que les services en ligne viendront bientôt satisfaire tous nos besoins en matière de divertissement, d’information, d’éducation et de communications d’urgence. Dans le monde d’aujourd’hui, la télévision numérique terrestre fait figure de dinosaure et les satellites ne répondent qu’aux besoins B2B en matière d’échanges de données. Cette hypothèse d’un monde sans radiodiffusion part du principe que celle-ci n’est utile que pour la distribution des chaînes linéaires traditionnelles et qu’elle ne peut pas prendre en charge les services médiatiques nouveaux et futurs. Mais qu’en est-il exactement ?

Les tests de nouveaux formats médiatiques se poursuivent à un rythme soutenu en vue d’offrir des expériences plus immersives. La Coupe du monde de football, par exemple, a été l’occasion de tester l’état de l’art en matière de « vidéo freeview » ou « vidéo volumétrique », nouveau pilier de l’univers des médias spatiaux qui impose à minima aux médias de service public de s’aligner sur l’offre de leurs concurrents commerciaux. Cette solution permet à l’utilisateur final muni d’un écran 2D de choisir son point de vue (et l’expérience d’écoute qui en découle) en se déplaçant librement dans l’espace et en remontant le temps, devenant ainsi le réalisateur de sa propre expérience.

La vidéo freeview repose sur un ensemble de réalités techniques qui nous ramènent à la question de la distribution. Les vidéos volumétriques capturées dans un stade peuvent être encodées à environ 2 Gbps ; or, la distribution d’un seul point de vue à la demande nécessitera une bande passante garantie de 50 à 60 Mbps disponible pour un seul utilisateur, si l’on veut lui garantir une expérience cohérente. Ce type de service pourrait-il être mis à la disposition de millions d’utilisateurs en même temps et, dans l’affirmative, comment y parvenir ?

La distribution sur une vaste zone peut être envisagée en utilisant une connexion par fibre optique jusqu’au domicile, lorsqu’elle est disponible, mais devient insoutenable, techniquement et/ou financièrement, si l’on utilise une infrastructure DSL ou un réseau mobile.

En outre, les opérateurs de télécommunications, qui s’efforcent d’être performants au niveau économique, dimensionnent leur réseau en fonction d’une utilisation moyenne et surconsomment la capacité réseau. Contrairement à la radiodiffusion, les réseaux monodiffusion (unicast) s’adaptent mal à de très grandes audiences simultanées ; il existe donc un risque d’encombrement du réseau au moment où la demande est la plus forte, ce qui est le cas lors des événements retransmis en direct les plus prisés.

Une solution évolutive

Les solutions viendront très probablement de la combinaison de la radiodiffusion et du haut débit : la radiodiffusion par satellite peut fournir un contenu en direct de 2 Gbps aux extrémités du réseau, y compris aux foyers, avec une connectivité unicast collaborative fournie par des moyens terrestres sans fil ou câblés. Cela permettra de tirer parti de l’évolutivité de la radiodiffusion et de la flexibilité de la connectivité unicast, ce qui débouchera sur une solution durable capable de couvrir l’ensemble de la population avec une qualité de service garantie. Précisons ici que des solutions associant la technologie satellite Edgecasting et les infrastructures unicast sont en cours d’élaboration dans le cadre du projet 5G-EMERGE.

Le même contenu pourrait intéresser les personnes qui assistent localement à des événements en direct. Nous avons déjà vu les amateurs de sport adopter une expérience relativement peu technologique, comme le fait d’entendre les décisions de l’arbitre dans une oreillette ; imaginez l’excitation d’un fan qui peut choisir son propre angle de vue, quel que soit l’endroit où il est assis dans le stade !

Là encore, la combinaison d’une solution de radiodiffusion et d’une solution unicast exploitant un signal de diffusion sans fil local serait techniquement et économiquement efficace, car elle tirerait parti de la mise en œuvre des technologies de radiodiffusion / multicast 5G à des fréquences plus élevées dans une zone relativement restreinte.

Il s’agit également d’un exemple tangible de la fusion des mondes physique et numérique dans ce que nous pouvons appeler une expérience « phygitale » : l’élément social va de pair avec la réalité numérique augmentée, utilisant la technologie pour relier les mondes numérique et physique.

Favoriser et cultiver des expériences partagées tout en répondant aux besoins individuels est une tâche essentielle des médias de service public. L’expérience partagée repose sur des expériences communes à tous, ainsi que sur des éléments individuels propres à chacun. Les nouveaux formats médiatiques devront nécessairement inclure à la fois des éléments communs et des éléments personnalisés.

Pendant trop longtemps, la radiodiffusion et les services en ligne ont été considérés comme opposés et non complémentaires. Le choix de conjuguer radiodiffusion et solutions en ligne doit être privilégié. Nous devons utiliser ces deux technologies de manière durable et intelligente, afin de garantir que les médias de service public conservent le contrôle de la distribution future.

Article publié pour la première fois dans le numéro 55 du magazine tech-i.

Liens et documents pertinents

Ecrit par


Antonio Arcidiacono

Directeur du Département Technologie & Innovation

arcidiacono@ebu.ch