Retour à Communiqués
COMMUNIQUÉS

Où sont les enfants disparu.e.s d'Ukraine ?

14 février 2023
Où sont les enfants disparu.e.s d'Ukraine ?

Des centaines d'enfants ukrainien.ne.s sont emmené.e.s en Russie depuis les territoires occupés de l'est de l'Ukraine. Pour le Kremlin, il s’agit d’une opération de sauvetage, mais pour le pouvoir ukrainien en revanche, c’est un véritable génocide.

Dans le cadre d’une enquête approfondie menée par le Réseau UER de journalisme d'investigation, des dizaines de vidéos émanant des médias officiels russes ont été passées au crible. Des entretiens ont en outre été réalisés avec les autorités ukrainiennes, des familles et des ONG internationales. Les conclusions font tout simplement froid dans le dos.

Depuis le début de la guerre, ce sont en effet des centaines d'enfants qui ont été déplacé.e.s depuis les régions occupées d'Ukraine et emmené.e.s de force en Russie, pour être placé.e.s dans des familles ou des institutions. Beaucoup ont reçu des passeports russes, mais certain.e.s ont tout bonnement disparu.

Le gouvernement ukrainien a créé un site web – Children of War - pour faciliter la recherche de ces enfants disparu.e.s. Pour Daria Herasymchuk, déléguée ukrainienne aux droits de l’enfant,

"Nos enfants sont ciblé.e.s pour participer au génocide du peuple ukrainien. Nos enfants sont enlevé.e.s, on leur donne une nouvelle nationalité, on les fait adopter ou on les place sous tutelle, on leur fait subir des violences sexuelles et autres."

Selon les autorités ukrainiennes, ce sont environ 14 000 enfants ukrainien.ne.s qui auraient ainsi rejoint la Russie. Les Russes parlent d'évacuation, affirmant qu’en déplaçant les enfants vers un territoire plus « sûr », on les protège des dangers quotidiens de la vie dans une zone de guerre.

Avant l’éclatement du conflit, près de 100 000 enfants étaient placé.e.s dans des institutions publiques, pour divers motifs (absence des parents, pauvreté). Autant d’enfants vulnérables, qu’il était dès lors facile de déplacer. Aujourd'hui, un grand nombre de leurs foyers d'accueil sont vides. Dans certains cas, les enfants ont été retiré.e.s par les autorités ukrainiennes, mais le Réseau UER de journalisme d'investigation a trouvé des preuves impliquant les autorités russes

La Russie a modifié son cadre juridique pour être en mesure d'accueillir ces jeunes déplacé.e.s. En mai 2022, Vladimir Poutine a en effet pris des dispositions pour accélérer et simplifier le processus d'octroi de la nationalité russe et de délivrance de passeports aux enfants ukrainien.ne.s sans protection parentale. Et dès le mois de juillet, des passeports russes ont été remis à certain.e.s – une initiative dénoncée par le HCR.

Depuis lors, on a pu voir des enfants ukrainien.ne.s dans des vidéos diffusées sur les médias sociaux et à la télévision d'État à leur arrivée en Russie. Maria Lvova-Belova, commissaire aux droits de l'enfant nommée à ce poste par Poutine lui-même, aurait déclaré lors d'une cérémonie de naturalisation en juillet : « Il faut voir comme ces enfants ont changé en quelques mois, leurs sourires, leur joie... Maintenant que les enfants sont devenu.e.s des citoyens et citoyennes russes, la tutelle temporaire peut devenir permanente. »

Belén López Garrido, chef de projet pour le Réseau UER de journalisme d'investigation, précise :

"Cette enquête, à laquelle ont collaboré des journalistes de plusieurs Membres de l'UER, a nécessité plus de trois mois de travail et d’examen minutieux de documents officiels, de vidéos et d'interviews exclusives. En associant ressources centralisées et reportages sur le terrain, nous avons pu attirer l’attention du public sur ces agissements."

Journaliste d’investigation à la RTVE, Pilar Requena del Rio préside le Réseau UER de journalisme d'investigation. Elle déclare :

"Nous avons réalisé un travail minutieux et systématique, qui nous permet aujourd’hui de dénoncer un délit très grave, à l’encontre de personnes particulièrement vulnérables : des enfants, pour la plupart issu.e.s d'institutions publiques ukrainiennes, et dont certain.e.s sont handicapé.e.s. Pendant des semaines, nous avons cherché des preuves et des témoignages et, étape par étape, nous avons mis ce scandale au jour. 

C’était formidable de faire partie d'un groupe qui apporte la preuve qu’une collaboration peut être nouée sur le long terme entre des reporters qui travaillent pour différents médias publics européens et qui nourrissent la même ambition."

L'enquête a notamment consisté à vérifier de nombreux éléments de preuve tirés des médias sociaux, un travail dont se sont chargées les équipes de l’Eurovision Social Newswire, placées sous la houlette de Derek Bowler.

Des journalistes de France Télévisions ont notamment enquêté dans des camps d'été au bord de la mer Noire et ont collecté des éléments prouvant que des enfants ukrainien.ne.s y avaient été envoyé.e.s volontairement par leurs parents, pour les mettre à l’abri des hostilités. Mais certaine.s enfants n’ont pas retrouvé leurs familles à la date prévue. À de nombreuses reprises, des enfants libéré.e.s grâce aux efforts d’ONG ukrainiennes et internationales, ne pouvaient retrouver leurs familles que si celles-ci venaient les chercher sur place – or entrer sur le territoire russe nécessite d’entreprendre un voyage à la fois dangereux et coûteux, et de traverser les frontières de plusieurs pays.

Liz Corbin, directrice adjointe du département Médias et cheffe des Actualités à l'UER, déclare :

"Cette enquête d’envergure paneuropéenne ne pouvait être menée que par la communauté des médias de service public. Elle repose sur des informations fiables et des preuves irréfutables et elle a été menée par des journalistes professionnel.le.s, qui ont pu s’appuyer sur notre réseau solide. Nous avons également pu mutualiser nos ressources pour veiller à ce que chaque témoignage soit vérifié et ses sources correctement indiquées."

Le Réseau UER de journalisme d'investigation rassemble une centaine de reporters, représentant différents Membres de l'UER. Son comité directeur réunit la BBC (Royaume-Uni), DR (Danemark), FT (France), la NRK (Norvège), la RTBF (Belgique), la RTÉ (Irlande), la RTVE (Espagne), SR (Suède), la VRT (Belgique), YLE (Finlande) et la ZDF (Allemagne).

Des reporters de l'UER, de FT, de la RSI, de la RTBF, de la RTVE, de l'UA:PBC (Ukraine) et d’YLE ont participé à cette enquête collaborative en participant aux réunions coordonnées par l'UER et en produisant les différents éléments du reportage dans plusieurs pays, en réalisant des interviews en Ukraine et en partageant leurs informations.

Consulter l’intégralité des conclusions de l'enquête

Liens et documents pertinents

Contact


Jo Waters

Responsable de la communication de contenu

waters@ebu.ch