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Un raisonnement différent au sujet du métavers et des expériences partagées

30 novembre 2022
Un raisonnement différent au sujet du métavers et des expériences partagées

Il est trop facile de rejeter le métavers en le qualifiant de tentative des géants de la tech motivée par la cupidité de nous attirer toujours un peu plus dans leurs filets, ou peut-être de vision techno-utopiste d’une vie vécue avec un casque 3D. De nombreuses personnes réagissent en se contentant de l’ignorer. Toutefois, on peut envisager les choses d’une autre manière. Je suis fermement convaincu que les médias de service public (MSP) doivent proposer leur propre vision d’un métavers tourné vers une valeur sociale collective.

Tournons-nous tout d’abord vers le passé. Historiquement, les MSP ont fourni des contenus en ayant à l’esprit des expériences partagées. Ces expériences pouvaient être partagées au premier degré, en s’asseyant ensemble dans le salon, ou à un deuxième niveau, en proposant des sujets communs à discuter au travail ou lors de réunions avec des amis et la famille. Tout cela est dans notre ADN.

C’est l’exact opposé de ce que les géants de la tech font aujourd’hui. Leur but est d’isoler chaque utilisateur, de faciliter l’extraction de données précieuses et de cibler la publicité. Pour l’essentiel, ils s’efforcent de contrôler la « loyauté » de chaque citoyen à l’égard de leur propre offre de contenu ou d’information. « C’est à moi. Ce n’est pas à vous. »

Avantage social

Si la personnalisation a un rôle à jouer pour les MSP, l’objectif fondamental doit être de développer et de distribuer des contenus de telle sorte que les gens puissent en profiter collectivement, que ce soit à leur domicile ou dans les lieux où ils se rassemblent. Il s’agit d’un domaine où les MSP ont un avantage social structurel qui doit être défendu et renouvelé.

Le prolongement normal de cet objectif est que les MSP doivent former des partenariats avec des entités qui produisent des événements en direct, en intégrant ces événements dans l’offre de contenu des MSP et en assurant conjointement leur promotion. Qui plus est, impliquer directement les citoyens dans la création de contenu, là aussi en mettant l’accent sur l’aspect collectif, leur permettra d’être des parties prenantes des MSP.

Certaines voix du secteur prédisent, voire souhaitent, la fin de la radiodiffusion. Cela va au-delà d’un passage à de « meilleures » technologies. Démanteler l’infrastructure de diffusion représente en réalité une tentative d’attaque des fondements des contenus médiatiques collectifs au profit de contenus médiatiques individuels. Le résultat en est une segmentation de fait de la société qui fausse les bases sociales qui ont été à l’origine de l’évolution accélérée de nos sociétés.

Un monde où la radiodiffusion est entièrement remplacée par des canaux de monodiffusion destinés à des utilisateurs spécifiques est un monde où l’individualisme a pris le pas sur le collectif.

Une vision différente

Nous devons penser au paysage médiatique futur de manière plus holistique. L’éducation numérique de vastes segments de la population permet le développement de nouveaux contenus et expériences qui combine les interactions individuelles et les expériences collectives.

Ce n’est pas l’isolement individuel extrêmement restrictif du métavers Facebook que les MSP doivent rechercher. C’est, au contraire, la réalité augmentée d’une expérience en plein air où je combine mon expérience physique – d’une simple promenade à la présence à un concert ou à un événement sportif – à une expérience commune, dépendante d’un lieu, que je peux partager avec d’autres personnes qui ressentent la même chose.

António Guterres, Secrétaire général des Nations Unies, a récemment alerté sur l’orientation prise par les géants des réseaux sociaux :

Les plateformes de réseaux sociaux reposant sur un modèle commercial qui monétise la colère et la négativité peuvent provoquer des dégâts incalculables dans les sociétés.

Les discours de haine et la désinformation prolifèrent.

Nos données sont achetées et vendues pour influencer les comportements.

Tandis que Guterres a souligné la nécessité d’une réglementation plus forte, je suis convaincu que les MSP peuvent jouer le rôle de puissant contrepoids aux tendances qu’il a mises en évidence. Notre métavers doit être de nature à réunir les gens, et non pas de les cantonner dans leur bulle. Le rôle des MSP, dans le métavers ou dans n’importe quel autre univers, doit consister à accroître les interactions sociales et à créer un environnement dans lequel des citoyens informés peuvent partager leurs expériences et trouver comment mieux vivre ensemble.

Cet article a été publié initialement dans le numéro 53 du magazine tech-i.

Liens et documents pertinents

Ecrit par


Antonio Arcidiacono

Directeur du Département Technologie & Innovation

arcidiacono@ebu.ch