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HISTOIRES

3 questions à la pianiste Anna Fedorova

28 juillet 2022
3 questions à la pianiste Anna Fedorova

Cet été, la pianiste virtuose ukrainienne Anna Fedorova a fait des débuts remarqués au Festival de Verbier. Elle se produit actuellement avec l'Ukraine Freedom Orchestra sous la direction de Keri-Lynn Wilson, dans le cadre d'une grande tournée en Europe, à New York et à Washington. Nous lui avons posé trois questions.

Q : Cet été, vous êtes en tournée dans toute l'Europe et aux États-Unis avec l'Ukrainian Freedom Orchestra. Qu'est-ce que cet ensemble et ce projet représentent pour vous ?

A : C'est très spécial pour moi de me produire avec l'Ukraine Freedom Orchestra. Je pense qu'il s'agit d'un projet fantastique et d'une initiative formidable, qui apporte un soutien précieux aux musiciens ukrainiens et à l'Ukraine en général. Ce sera très particulier d’être sur scène avec les musiciens ukrainiens de l'orchestre, dont beaucoup sont restés sur place ces derniers temps. Ils font tous partie des meilleurs orchestres ukrainiens, à Odessa, Kiev, Lviv, Kharkiv. Je connais beaucoup d'entre eux. Nous avons étudié ensemble, ils étaient mes camarades de classe ou avaient un an ou deux de plus que moi. Et voilà maintenant que nous allons nous produire ensemble sur scène pour cette tournée, dont l’idée a été lancée par le Metropolitan Opera et le Théâtre national polonais et qui est organisée par Askonas Holt. Elle passera par les BBC Proms, le Lincoln Center de New York, ainsi que par de grands festivals et des salles de concert prestigieuses. Ce sera également l'occasion de collecter des fonds, qui seront reversés au ministère de la Culture ukrainiens au profit des musiciens du pays. Participer à ce projet a donc une signification particulière pour moi.

Lors de cette tournée, vous interprétez le « Concerto pour piano n° 2 » de Chopin. Quel lien entretenez-vous avec ce morceau ?

Ce Concerto est un morceau assez symbolique à jouer. Tout d'abord, parce que l'histoire de Chopin est très comparable à la situation que vivent de nombreux Ukrainiens en ce moment. Lui aussi a dû fuir le pays qu’il aimait tant, la Pologne, à cause de l'invasion russe. Il a été contraint de se réfugier en France, où il a passé le reste de sa vie. Pendant tout ce temps, la Pologne lui manquait cruellement. Dans sa musique et dans chaque note qu'il a écrite se ressentent la nostalgie, la tristesse, la profonde mélancolie, le désir ardent de retourner en Pologne. Or c’est précisément ce que beaucoup d'entre nous éprouvent aujourd'hui. En ce qui me concerne, le « Concerto pour piano n° 2 » a été très important pendant le premier mois de la guerre, car c'est la musique que j'ai commencé à jouer en premier, après l’éclatement du conflit. Pendant les dix premiers jours, je n'ai pas touché mon piano, par désespoir. Les sentiments de terreur et de choc étaient trop forts. Puis j'ai commencé à organiser des concerts de bienfaisance avec d’autres musiciens, aux Pays-Bas. Lors de ces premiers concerts, le morceau que j’interprétais était le deuxième mouvement du « Concerto pour piano n° 2 » de Chopin. Je me souviens de cette sensation de jouer la première note et à ce moment-là, je me suis sentie à nouveau moi-même. J'ai senti qu'il me ramenait à la vie, à la raison, à la paix, qu'il m'apportait du réconfort. Je m’attends donc à ressentir un sentiment très particulier lorsque j’interpréterai ce Concerto pendant la tournée. En fait, cette tournée est l'un des exemples du formidable soutien que la Pologne apporte à l'Ukraine, car elle est organisée par le Metropolitan Opera en collaboration avec l'Opéra national de Varsovie et le ministère polonais de la Culture. Depuis le début des hostilités, la Pologne a apporté une aide considérable à l'Ukraine, au peuple ukrainien et aux réfugiés. Interpréter le « Concerto pour piano n° 2 » de Chopin est donc particulièrement symbolique, dans ce contexte.

Depuis le début de la guerre, vous avez organisé et donné des concerts de bienfaisance pour aider les Ukrainiens. Le conflit risque malheureusement de se poursuivre un certain temps. Dans ce contexte, à quoi pensez-vous lorsque vous êtes sur scène ?

En effet, nous avons donné plusieurs concerts au cours des derniers mois, au profit de l'Ukraine. J’en ai organisé certains, auxquels ont participé d'autres grands musiciens. J’ai bien évidemment une pensée pour l’Ukraine à chaque concert. Il y aussi une atmosphère particulière pour chacun d’eux, car l'Ukraine occupe aussi l’esprit des spectateurs. Bien sûr, j’évoque le conflit, j'interprète des morceaux évocateurs et je ressens un lien très fort avec le public. C'est absolument incroyable. Quelles pensées ai-je pour l'Ukraine ? Elles dépendent de la musique que je joue. Si c’est une musique sombre, triste, alors les émotions sont proches de la terreur, la tristesse, la douleur. Nous pensons à la situation actuelle et à toutes les émotions que nous avons ressenties ces derniers mois. Ces pensées sont portées par la musique, ce qui les rend plus intenses. La musique est aussi un moyen de laisser son cœur s'exprimer. Lorsque j’interprète une musique plus lumineuse, remplie d'espoir, comme par exemple le deuxième mouvement du « Concerto pour piano n° 2 » de Chopin, cela me fait penser à un avenir meilleur, au moment où nous pourrons retourner en Ukraine, nous y sentir heureux et en sécurité, une fois que l'Ukraine sera redevenue libre, belle et prospère. Je nourris donc l'espoir que la guerre sera bientôt terminée et que nous pourrons tous reprendre une vie normale.

Offre de l’Échange de musique

Le concert donné par Anna Fedorova avec l'Ukraine Freedom Orchestra aux BBC Proms, le 31 juillet 2022, est disponible dans le système MUS sous la référence ER/2022/51/40. Anna Fedorova était également la soliste du concert d'ouverture du Festival de Verbier 2022 (ER/2022/09/01) et s'est produite avec la violoniste Dana Zemtsov au West Cork Chamber Music Festival de cette année (ER/2022/58/02).

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