L'éminent chef d'orchestre suédois Herbert Blomstedt fêtera son 95e anniversaire le 11 juillet 2022. À cette occasion, il donnera deux concerts spéciaux avec l'Orchestre du Gewandhaus de Leipzig, après s’être produit mi-juin aux côtés de l’Orchestre symphonique de la NDR. Grâce à nos collègues de la NDR, nous avons pu lui poser trois questions.

Q : Si vous deviez revenir sur un moment majeur de votre carrière, lequel vous viendrait en premier à l'esprit ?

A : Eh bien, le plus important a peut-être été mes débuts à Stockholm avec l’Orchestre philharmonique royal de Stockholm. J'avais 27 ans, un âge assez avancé selon les critères d'aujourd'hui. De nos jours, de nombreux chefs d'orchestre exceptionnels commencent leur carrière à l'adolescence. Moi, je suis plutôt du genre à progresser lentement ! Le deuxième moment crucial que j’ai vécu, qui a été très important pour moi, a été ma rencontre avec la Staatskapelle de Dresde, qui m’a invité en 1969. Cela a été une expérience fantastique pour moi, une expérience qui a littéralement façonné mon univers musical d'une manière nouvelle. C'était le premier orchestre de très grande qualité avec lequel je me produisais - j'avais déjà joué avec de bons orchestres en Scandinavie, j'avais été directeur musical à Stockholm, Oslo et Copenhague - mais la Staatskapelle de Dresde était un ensemble de classe mondiale. Et son éthique musicale, sa politique de travail et son sérieux m'ont servi de modèle.

Tout au long de votre carrière, vous avez travaillé avec de nombreux ensembles radiophoniques tels que l'Orchestre symphonique de la Radio danoise, l'Orchestre symphonique de la Radio suédoise et l'Orchestre symphonique de la NDR. Qu’a donc de si particulier la direction d'un ensemble radiophonique, par rapport aux autres types d’orchestres ?

Je ne vois pas de réelle différence ; c'est un orchestre symphonique. À Copenhague, par exemple, où j’ai dirigé le plus grand orchestre radiophonique de Scandinavie, l'Orchestre symphonique de la Radio danoise était tout bonnement incontournable. Il n'y avait pas d'orchestre philharmonique. C'était l'orchestre de la radio. Puis il y a eu un grand opéra et un merveilleux orchestre baroque, et c’est plus tard qu’a été créé un ensemble philharmonique spécial pour Copenhague. Mais en 1926, lorsque l'orchestre a été formé, c'était un orchestre radiophonique. C'était d’ailleurs l’idéal, car le directeur musical de la station de radio était un musicien. C'était un chanteur d'opéra de renommée mondiale. Et il a veillé à ce que ce petit orchestre puisse se développer dans les meilleures conditions. Il a par exemple réussi à obtenir des fonds importants auprès des producteurs de bière, aujourd'hui Carlsberg et Tuborg, pour acheter des instruments. Et qu'ont-ils acheté ? Des Stradivarius, des Guarnerius, tous ces merveilleux instruments à cordes de maîtres italiens, que l'orchestre utilise encore aujourd'hui ! Quand les musiciens posent leurs instruments, pendant l’entracte, pour aller prendre une collation, vous pouvez voir que leurs instruments ont un aspect marbré. Voici un Storioni, voici un Lupo, voici un Vuillaume, des instruments parfaits. Je ne connais pas d'orchestre dans le monde qui possède d'aussi bons instruments à cordes que l'Orchestre symphonique de la Radio danoise.

Les orchestres radiophoniques ont aussi un répertoire particulier. Comme ils ne dépendent pas du public - puisque les auditeurs sont à l’écoute de leur poste de radio - ils ne sont pas aussi dépendants de la vente de billets et ne jouent pas uniquement Tchaïkovski, Beethoven, Brahms et Mahler. Ils peuvent jouer de la musique nouvelle qui n'intéresse pas grand monde, mais qui revêt de l’importance dans un pays où la scène musicale est en plein essor. Ces orchestres radiophoniques allemands ont également découvert que pour atteindre le plus haut niveau artistique, ils doivent également jouer le répertoire symphonique classique.

Le 16 juillet 2022, vous dirigerez l'Orchestre du Gewandhaus pour un grand concert donné à l'occasion de votre 95e anniversaire. Quel programme interpréterez-vous ?

À Leipzig, le parc de Rosental est un site magnifique, où un concert de l'Orchestre du Gewandhaus peut rassembler vingt à trente mille personnes. C'est énorme ! Bien sûr, elles s'assoient sur l'herbe avec leur famille ou font un pique-nique, en s'amusant, et vous les entendez grâce aux haut-parleurs. Mais on les voit aussi sur des écrans géants. Ces deux concerts que nous donnerons en juillet sont les premiers que nous avons pu organiser dans le sillage de la crise du Covid - nous savons d’ailleurs qu’elle n'est pas complètement terminée, mais nous nous attendons à nous produire devant au moins vingt mille personnes à chaque fois.

Au premier programme figurent le 3e Concerto pour piano de Beethoven et sa Symphonie pastorale - vous savez, la symphonie où les oiseaux chantent et où il y a un orage… Nous espérons malgré tout qu'il ne pleuvra pas, mais dans la symphonie il y a de la pluie... Beethoven était un amoureux de la nature ! Dans le second programme, nous interprétons également la Symphonie pastorale, mais nous enchaînons ensuite sur deux œuvres différentes : nous jouons les Variations sur un thème rococo pour violoncelle et orchestre, de Tchaïkovski, et nous terminons par l'Ouverture de Guillaume Tell, de Rossini.

Nous remercions chaleureusement Julia Wellershaus et Stephan Sturm (NDR) pour leur collaboration à cette interview.

Offres de l’Échange de musique

Pour marquer cet anniversaire important, trois concerts sont mis à la disposition des radios Membres de l'UER : les deux programmes intégralement consacrés à Beethoven, interprétés avec Martha Argerich au Festival de Lucerne 2020 (ER/2020/B4/09 et ER/2020/B4/19), mis à disposition par SRF, et le concert donné le 17 juin 2022 par l’Orchestre symphonique de la NDR sous la direction de Herbert Blomstedt (SM/2022/05/26/01), offert par la NDR. De nombreux autres concerts sont également disponibles pour une diffusion cet été et/ou dans le courant de l'automne.