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La COVID-19, la désinformation et les médias : comment relever les exigences ?

12 octobre 2020
La COVID-19, la désinformation et les médias : comment relever les exigences ?

Près de sept mois après les premières mesures de confinement en Europe, disposer d’informations fiables sur la pandémie de COVID-19 est plus essentiel que jamais. Plusieurs pays de l’Union européenne appliquent à nouveau des restrictions très exigeantes afin d’enrayer la propagation du virus. Les gouvernements et le monde de la recherche investissent massivement dans le développement rapide d’un vaccin. La pandémie de COVID-19 est loin d’être terminée et malheureusement, chaque nouvelle phase s’accompagne de son lot de désinformation.  

Dans un article publié récemment par plusieurs organes de médias en Europe, deux des plus importants responsables politiques européens chargés du monde numérique, la vice-présidente de la Commission européenne Věra Jourová, et le commissaire Thierry Breton, déclarent : « La crise de la COVID-19 a démontré que la liberté d’expression, l’accès à l’information et le pluralisme des médias peuvent sauver des vies — et qu’ils constituent les armes les plus efficaces contre la désinformation ». Il est encourageant de constater que depuis le début de cette crise, c’est vers les médias de service public que se tourne prioritairement la population. Les informations diffusées par les MSP figurent régulièrement parmi les plus appréciées. En 2019, les MSP ont été classés « marques d’information les plus fiables » dans 65 % des marchés européens. Et au plus fort de la crise, le taux d’écoute de leurs bulletins d’information du soir a été multiplié par 2,5. 

Nous ne pouvons cependant pas nous reposer sur nos lauriers. Dans le cadre des initiatives qu’elle a lancées pour lutter contre la désinformation, l’UER a organisé cette semaine une manifestation virtuelle intitulée « Des informations fiables pendant une pandémie : comment les médias peuvent-ils relever les exigences ? ». Nous avons invité des porte-paroles de l’Organisation mondiale de la Santé, de la Commission européenne, de France Télévisions et de Vaccines Today, qui ont discuté de l’impact de la désinformation pendant la pandémie, de la lutte contre la désinformation pour les médias traitant le sujet de la pandémie et des bonnes pratiques en la matière ; les participant.e.s se sont également intéressé.e.s aux  politiques et lois de l’UE qui peuvent permettre d’aboutir rapidement aux résultats attendus. 

Ainsi donc, la doctoresse Sylvie Briand, directrice du département Préparation mondiale aux risques infectieux à l’OMS, a décrit la réalité des conséquences directes et indirectes de la désinformation. Le décès, en Iran, d’environ 500 personnes qui avaient ingéré du méthanol croyant que cela soignerait la COVID-19 est le résultat tragique et direct de la désinformation. Celle-ci sape indirectement la confiance portée aux institutions, aux spécialistes et aux scientifiques, ce qui fragilise tout le tissu social de la société. 

Eric Scherer, directeur de l’innovation et des affaires internationales à France Télévisions, a présenté cinq domaines dans lesquels les médias peuvent faire avancer la lutte contre la désinformation : gagner la confiance du public en vérifiant scrupuleusement l’exactitude des informations ; débusquer les fausses informations — à France Télévisions, ce ne sont pas moins de 12 journalistes à temps plein qui s’en occupent ; faire appel à des scientifiques, des spécialistes et des médecins ; se rapprocher du public, par exemple en lui offrant la possibilité de s’exprimer dans les médias ; et établir une coopération internationale.

Dans le domaine des politiques publiques, Marie Frenay, membre du cabinet de la vice-présidente de la Commission européenne Věra Jourová, a expliqué que la Commission avait pris une série de nouvelles mesures pour renforcer ses initiatives telles que le Code de bonnes pratiques contre la désinformation. Présentée en juin, la Communication « Lutter contre la désinformation concernant la COVID-19 » invite les plateformes en ligne à présenter des rapports mensuels et à promouvoir le « contenu faisant autorité » sur la pandémie, émanant d’autorités sanitaires et de médias professionnels. Deux nouvelles initiatives majeures sont attendues d’ici à la fin de l’année. Le Plan d’action pour la démocratie européenne décrira les mesures qui seront prises pour lutter contre la désinformation, protéger les élections et soutenir la liberté et le pluralisme des médias ; et le « Digital Services Act » modernisera le cadre juridique actuel en matière de services numériques, en y intégrant le rôle des plateformes en ligne. Mme Frenay a également évoqué la nécessité d’adopter une approche de la désinformation qui protège la liberté d’expression. 

Quelques bonnes pratiques médiatiques ont été présentées à titre de référence. Mme Frenay a cité la « Journalism Trust Initiative » — à laquelle l’UER participe — qui propose aux médias d’information un mécanisme volontaire et autorégulé leur permettant à la fois d’évaluer leur respect des normes professionnelles et de communiquer à ce sujet. 

Concernant les actions que les médias peuvent mener dès à présent, Gary Finnegan, journaliste et rédacteur santé à Vaccines Today, a demandé aux médias de jouer un rôle dans la gestion des attentes liées au calendrier et à l’efficacité d’un futur vaccin. Il a également recommandé aux médias de faire preuve de prudence dans la déconstruction des mythes relatifs aux vaccins, car lorsque cette question n’est pas abordée correctement, cela peut accroître la confusion plutôt que de clarifier les choses. La Dr Sylvie Briand a affirmé que l’éducation aux vaccins et à la santé était un thème important dont les médias doivent se saisir, ceux-ci devant également s’intéresser aux moyens de donner une voix aux publics, car c’est ce qui attire les gens vers les réseaux sociaux.

La modératrice de la manifestation, Liz Corbin, cheffe des Actualités et directrice adjointe du département Médias de l’UER, a sollicité de nombreuses autres réactions intéressantes et utiles de la part des participant.e.s. Je tire pour ma part trois conclusions :

  1. Nous devons poursuivre ces échanges de façon régulière. Il était extrêmement utile pour nous d’entendre les points de vue de différents acteurs de ce débat, et nous avons pris note des demandes qui nous sont adressées.
  2. La lutte contre la désinformation nécessite de coopérer. Il s’agit d’une coopération internationale entre institutions, spécialistes, médias, scientifiques, l’industrie du vaccin, le public, etc. Nous ne résoudrons pas ce problème chacun de notre côté.
  3. La facilité à trouver des informations fiables et de qualité et à y accéder est le meilleur antidote contre cette infodémie. Autrement dit, il est absolument essentiel d’octroyer au journalisme de service public un financement stable, de garantir la liberté d’exercer ce métier sans restriction et d’adopter les règles pertinentes de l’UE concernant les plateformes en ligne internationales pour que les futures générations puissent disposer en permanence d’un accès à des actualités et à des informations fiables. 

Un grand merci à nos orateurs.rices invité.e.s et à notre modératrice pour cette discussion éclairante et utile.

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Contact


Wouter Gekiere

Responsable de la politique règlementaire européenne

gekiere@ebu.ch